samedi 7 juillet 2018

Scolies sur un cadavre

§.  Lanzmann mort ? Les mots me manquent pour dire l'énormité de la perte !
Après ce deuil, même si les Bleus gagnaient la coupe du monde,  une noire atmosphère pèserait sur le stade de France.

§.   « Tout ce qui existe mérite de périr » dit Hegel. Donc Lanzmann méritait bien de périr, mais son œuvre, elle, ne périra pas !

§.  Le Fillon aurait mieux fait de la boucler.
« Claude Lanzmann portait avec humanisme la mémoire douloureuse de l'Histoire. Ensemble, nous avions décidé de distribuer "Shoah" dans les écoles de France. Ce film est une arme contre la folie et la lâcheté. » 

Quel dommage qu'il n'ait pas revu le péplum la veille des résultats du premier tour des zélections ! Ce qui l'aurait prémuni dun exercice de lâcheté, tellement vil, que l'on a eu du mal à l'entendre sans rendre. 

 §.  Monsieur Juppé, qui est un fin connaissant, en rajoute :
« Shoah : quand j’ai vu l’extraordinaire film de Claude Lanzmann, il y a bien des années, j’ai été terriblement bouleversé. La télé va le rediffuser. Il faut le revoir, le faire voir à nos jeunes pour qu’ils n’oublient jamais ce que peut être l’absolu du mal. » 
On ne saisit pas bien s'il parle de la Shoah ou de Shoah comme absolu du mal. Il est indiscutable que la Shoah a été indépassable dans le mauvais goût de ceux qui l'ont produite, c'est dire si la re-produire sous forme de fiction peut être un mal plus grand.

Mais admettons que le Maire de Bordeaux parle de la Shoah de 1943. Dire que ce fut l'absolu du mal est la Bonne Nouvelle ! Alléluia ! Loué soit Juppé !
On ne pourra jamais faire plus de mal qu'à Auschwitz ? On aura beau faire, tout essayer,  n'importe quoi, violer une fillette, puis l’emmurer vivante; découper un enfant tout vif et le filmer cependant; balancer du gaz sarin sur un peuple paisible, accuser frauduleusement son gouvernement, puis au prétexte de punir le dit gouvernement, écraser le dit peuple sous un déluge de bombe d'uranium appauvri, choses qui se font, aucune n'atteindra jamais à cet Absolu du mal. On peut y aller !

§.  Le Bien et le Mal sont comme la température : il y a un zéro absolu dans le froid, – 273° celsius, on ne peut pas descendre au delà.  Côté chaleur ça ne s’arrêtera jamais !
Nous pensions bêtement que le Mal comme l'Enfer était insondable, un abîme sans fond, par essence inatteignable, du moins jusqu'à Juppé.
Et qu'au contraire le Bien était parcimonieux, impuissant, limité.
Que la torture pouvait atteindre à des degrés inouïes, lisez Le jardin des Supplices d'Octave Mirbeaucependant que la médecine, la consolation, l'amour,  étaient souvent faibles, impuissants. Le Dieu de bonté fut crucifié et mourut misérablement; les Ordures vivent longtemps, couverts d'honneurs, acclamés par la foule, adulés par les femmes, "les hommes à femmes, mon cher, sont toujours des hommes à foule" (Mirbeau), et meurent paisiblement.
Voilà, nous nous fions aux apparences, nous pouvions nous considérer comme les plus cons. C'était compter sans le Maire de Bordeaux.
Car le Mal est limité, arrêté, stoppé net, il ne peut franchir les limites des camps de concentration.
Et le paradoxe, c'est que malgré les températures inouïes, qui défient l'imagination, qui ont dû être mise en œuvre pour faire disparaître des millions de cadavres, le Mal fait ne pourra jamais dépasser un certain degré (au contraire de maire de bordeaux).
Et ça c'est encourageant !

§. C'est donc le Bien qui ne connaîtra pas de limite.
Le Gender, la GPA, la PMA, le Bataclan, les Bleus, les I phone, Madame Taubira, la sollicitude toute maternelle de l'Etat envers ses sujets, etc., etc., toutes ces bontés qui atteignent déjà des degrés supérieurs dans la bienveillance, inimaginables aux âges antérieurs, et bien tout cela ira sans cesse croissant, jusqu'aux étoiles bleues, comme le croissant de Daesh vers l'Israël éternel !
Voilà de quoi passer une bonne nuit.



3 commentaires:

Anonyme a dit…

La douleur est toujours moins forte que la plainte.

Jean de La Fontaine

a.c

Anonyme a dit…

L'identité est composée de tous les items dont peut se targuer un individu: son origine, son pays, son histoire, ses symptômes. La définition qu'il se donne en eux le rigidifie parce qu'ils sont le lieu de sa maîtrise et de sa suffisance. La singularité apparaît chaque fois que L'identité est négligée. Elle est comme le style: évidente et insaisissable. Elle suppose le risque de la solitude irrémédiable, de ce qui est estimé comme menace de mort et, bien que donnée une fois pour toutes, elle n'est appréhendé que par les autres, jamais par soi. La perte, pour le patient, de son identité, qu'il ne veut pas changer, est nécessaire pour que soient abandonnés les repères habituels qui constituaient son rapport non modifié à soi, aux autres et à l'environnement et pour qu'il laisse advenir, à travers ce qui lui est donné en propre et qu'il ne peut pas changer, une nouvelle configuration de son monde.CQFD.

François Roustang. La fin de la plainte.

a.c

Anonyme a dit…

Les monuments dont nous ornons nos grandes villes sont des
symboles commémoratifs du même genre. Ainsi, à Londres, vous trouverez,
devant une des plus grandes gares de la ville, une colonne gothique richement
décorée : Charing Cross. Au XIIIe siècle, un des vieux rois Plantagenet qui
faisait transporter à Westminster le corps de la reine Éléonore, éleva des croix
gothiques à chacune des stations où le cercueil fut posé à terre. Charing Cross
est le dernier des monuments qui devaient conserver le souvenir de cette
marche funèbre. A une autre place de la ville, non loin du London Bridge,
vous remarquerez une colonne moderne très haute que l'on appelle « The
monument ». Elle doit rappeler le souvenir du grand incendie qui, en 1666,
éclata tout près de là et détruisit une grande partie de la ville. Ces monuments
sont des « symboles commémoratifs » comme les symptômes hystériques. La
comparaison est donc soutenable jusque-là. Mais que diriez-vous d'un habitant de Londres qui, aujourd'hui encore, s'arrêterait mélancoliquement devant
le monument du convoi funèbre de la reine Éléonore, au lieu de s'occuper de
ses affaires avec la hâte qu'exigent les conditions modernes du travail, ou de
se réjouir de la jeune et charmante reine qui captive aujourd'hui son propre
cœur? Ou d'un autre qui pleurerait devant « le monument » la destruction de
la ville de ses pères, alors que cette ville est depuis longtemps renée de ses
cendres et brille aujourd'hui d'un éclat plus vif encore que jadis?
Les hystériques et autres névrosés se comportent comme les deux Londo-
niens de notre exemple invraisemblable. Non seulement ils se souviennent
d'événements douloureux passés depuis longtemps, mais ils y sont encore
affectivement attachés ; ils ne se libèrent pas du passé et négligent pour lui la
réalité et le présent. Cette fixation de la vie mentale aux traumatismes pathogènes est un des caractères les plus importants et, pratiquement, les plus
significatifs de la névrose.

Sigmung Freud. Cinq leçons de psychanalyse

a.c