Je lis dans Plutarque l'explication qu'il donne de la vénération extasiée des Anciens Égyptiens pour le scarabée. « Il n’y a point en effet de scarabées femelles; tous sont mâles. »
Cette méconnaissance d’entomologistes en herbe ( partagée ici par Plutarque) sur l’existence de scarabées femelles les faisait se méprendre et s’émerveiller de leur mode de procréation :
« Ils se perpétuent en déposant leur semence dans une sorte de matière qu’ils façonnent en boule, non point tant comme substance alimentaire que comme un lieu réservé à la génération. »
Et comme nos aimables coléoptères roulaient en la poussant avec leurs petites papattes de derrière cette boule qui pouvaient atteindre cent fois leur propre volume, les Anciens Egyptiens pensaient qu’ils « imitaient en cela le cours du soleil qui, en se portant d’occident en orient, semblant suivre une direction contraire à celle que suit le ciel ».
Ainsi ils le nommèrent Khépri = « celui qui devient », symbole et incarnation terrestre du soleil qui roule dans le ciel.
De nos jours autrement détrompés, nos savants entomologistes admettent (à regret je pense) la fatalité, comme à peu-près chez tout ce qui vit et frémit, de l’existence insecte de la femelle infecte. Ces bestioles à pinces ont comme vous et moi à supporter ce fléau, dont l’omniprésence (et l’omnipotence!), semble une universelle malédiction.
Mais en nos temps gynécocrates, où des harpies gamahucheuses rêvent tout haut de l’éradication définitive de tous les mâles, concurrents actifs de la course à la langue pendante et fourest, « Osons le Clito! », il était bon d’aérer nos entendements lassés par le souvenir de cette Nescience pour laquelle l'inexistence de la femelle manifeste une éclatante supériorité.
Nescience enchantée qui, à l’enseigne des mystères d’Eleusis, n’était au fond que la Mère d’un savoir ésotérique beaucoup plus élevé, révélateur de propositions plus véridiques sur un plan subtil, notre science naturelle demeurant étroitement garrotée dans sa camisole épistémologique.
Cette méconnaissance factuelle serait Erreur si l’histoire de l’humanité n’était rien d’autre que l’aventure prosaïque qu‘elle parait. Mais la philosophie, et la connaissance initiatique des néopythagoriciens dans la cité d’Alexandrie au premier siècle avant notre ère, nous a révélé, éblouis, que les mythes égyptiens, sous le voile d’Isis, cachaient de profondes vues métaphysiques.
N’étant ni savant ni même érudit, je dois dire que la comparaison de la grande métaphysique égyptienne, son extraordinaire densité, sa teneur élevée en mystères, avec la sécheresse et la trivialité des grossières superstitions dépourvues d’art, que l’on nomme « les religions du Livre », m’a toujours grandement offensé religieusement et esthétiquement, dès lors que l’on faisait du christianisme l’héritier de celles-ci plutôt que celle-là.
Comment ne pas songer ici à Simone Weil pour qui l’adoption frauduleuse du Vieux Testament fut la faute inexpiable de l’Eglise catholique, son « péché originel ». Ainsi elle rejoint Marcion, comme votre serviteur. Le Jésus qu’elle comprenait et aimait était davantage fils spirituel de Dionysos et d’Attis que d’on-ne-sait-quelle postérité de Sem, cependant que Marie fut de la lignée royale d’Isis.
Cela me paraît une immaculée conception de fond, primordiale et inaugurale, et libératrice, je l'avais déjà offerte mais je la redonne pour cette raison. Mieux vaut Plutarque que jamais.
Cela me paraît une immaculée conception de fond, primordiale et inaugurale, et libératrice, je l'avais déjà offerte mais je la redonne pour cette raison. Mieux vaut Plutarque que jamais.
félix lechat