dimanche 27 mars 2022

Bulletin confidentiel

 Chaque période électorale devient un moment supérieur de crétinisme, un spectacle de pur abrutissement pendant lequel on constate une extinction généralisée de la conscience politique.
Même les meilleurs n’en sont pas exemptés. Présentement on nous a desserré un peu l'écrou totalitaire pour qu'on ne pense plus qu'à ça, cette pantomime grotesque avec ses misérables polichinelles avides. 

Je ne vote plus depuis si longtemps que je me demande si j’ai jamais voté. Ah, si, je me souviens : j’ai voté Non à Maastricht et au Traité constitutionnel, et Oui au Fâchisme en 2002.

« Élection piège à con » ce graffiti de Mai fut pour moi une révélation qui instinctivement me ravit même si j'étais encore trop enfantin pour le comprendre. Or j’étais très conformiste. Je croyais dans les fondements de la société. Je pensais qu’on devenait ouvrier si l’on travaillait mal à l’école, qu’un Grand général gouvernait la France parce qu’on l’avait choisi….
Pas question pour moi de comprendre l’essence politique du graffiti.
Que les jeunes gens de l’Université, de futurs messieurs, puissent formuler ce qui m’eût paru une insanité proférée par l’épicier ou le ramoneur, voilà qui passait mon entendement, aussi je lui cherchais une explication supérieure.

Auparavant, j’avais interrogé mon père : qu’est ce que ça veut dire maoïste ? — « Des jeunes types qui voudraient qu’on devienne tous comme les chinois, habillés pareil, le communisme absolu ! »
Je ne pouvais pas croire que ces types, mes aînés qui en étaient aux études supérieures pussent désirer vraiment le nivellement par le bas.
Absolu voilà le mot clé. Tant j’étais socialement conformiste que je ne pouvais imaginer de leur part une volonté de communisme absolu autrement que métaphysique. Leur communisme était une ascèse monastique. La Bure du prolétaire et une Bible à psalmodier.
Esclaves de l’absolu ils en devenaient inhumains ! Ce mépris pour les contingences me semblait cruel et aristocrate ! La touche d’irrévérence et de cruauté de ceux qui se savent supérieurs et veulent l’effacement de toutes les autres distinctions. Je ne jurais plus que par eux, avec de tels arguments que ma mère voulait me faire examiner.

Je n’imaginais pas un instant que des ouvriers voudraient cela. Je connaissais des ouvriers. Ils étaient travailleurs et polis, ils avaient un bleu du dimanche bien repassé, ils n’allaient pas à la messe parce qu’ils étaient du Parti communiste, mais Jésus leur pardonnerait les pauvres. Jamais, au grand jamais, ils n’auraient voulu tous nous obliger, hommes et femmes à porter le bleu et méditer le rouge, soit la Pensée de Jacques Duclos. D’ailleurs tout le monde savait que le Parti détestait les « gauchistes ».

Election piège à cons survint pour renforcer en moi cette conviction. Le Suffrage Universel le fondement de notre meilleur des mondes possibles, ils n’en voulaient point, car il y avait Sheila, Guy Lux, Henrico Macias, enfants de tous pays, toute cette maternelle yéyé qui ravissait mes sœurs.
Quel dédain aristocratique de l’opinion commune ! Car ce graffiti, contre lui, boursouflait les imbéciles : « Que c’est con de dire ça ! Qu’est ce qu’ils veulent la dictature ? » 

Qu’il est loin le temps. Plus tard je compris qu’il s’agissait de railler la participation des esclaves à leur servitude.
Mais aujourd’hui je pense à nouveau que j’avais raison dans mon intuition plus profonde que je ne l’ai cru jusqu’alors.
Aujourd'hui, même sans connaître l’histoire, ni la généalogie politique du pouvoir, même sans un atome de conscience politique, le premier convenu ne peut pas ignorer la nature mondiale, globale, du pouvoir des vautours du grand capital.
Personne ne peut croire une seconde qu’aucune de ces mouches à merde qui volettent autour de ce morceau de roi qu’est l’Élysée, ne sera de taille à discuter avec ces vautours. Ce qu’elles veulent ces mouches véreuses c’est aspirer avec leurs petites trompes les sucs délicieux de l’Ordure, et enduire leurs pattes de typhus, afin de continuer la sinistre farce pharmacienne.

La volonté de voter est la volonté de continuer ce pouvoir, avec d’infimes nuances, genre plus de théorie du genre avec l’Ex-Sénateur, ou moins d’Arabes avec le Juif-arabe.

« Nous sommes en guerre », certes !, et la guerre, ça simplifie. Y en a-t-il un seul parmi les minables clowns qui se poussent sur le devant de la scène qui ait dit : « si je suis élu, alliance avec la Russie » ?
Alors qu’est ce qui changera ?

Je n’écris pas ceci pour appeler à l’abstention, quelle sottise, ceux qui ont envie d’urner y vont, ceux qui n’ont pas envie n'y vont pas , mais uniquement pour énoncer le paradoxe que le suffrage universel renforce la dictature universelle.

Annexe

1848, suffrage universel mâle. Il fut octroyé par la bourgeoisie pour vaincre la tentative révolutionnaire de cette époque. La révolution n’étant présente que dans les grands centres industriels, le suffrage universel noya la poudre des fusils des ouvriers sous les flots des bulletins paysans et des boutiquiers. Puis les dirigeants socialistes devinrent eux mêmes des boutiquiers et des ploucs pour gagner aux zélections.

1944, droit de vote des femmes, par l’ordonnance du 21 avril 1944, parce le capital crut, à juste raison, que leurs suffrages iraient plus volontiers vers les partis bourgeois conventionnels plutôt qu’au parti communiste. Ensuite le parti communiste et ses avortons gauchistes devinent féministes, évidemment.