Dans ma quête, désespérée, d'un sens quelconque, à ce qui vient de me frapper, cette brutale descente dans l'Enfer Stridulant, je feuilletais la
Divine Comédie de Dante Alighieri, en quête d'un passage où le poète eût décrit une Bolge où croupiraient des confrères en damnation térébrante.
Ah ces premières lignes qui sonnent comme un glas dans mes ténèbres :
Nel mezzo del cammin di nostra vita
mi ritrovai per una selva oscura
ché la diritta via era smarrita.
Ahi quanto a dir qual era è cosa dura
esta selva selvaggia e aspra e forte
che nel pensier rinova la paura!
Tant'è amara che poco è più morte
que je traduirais en les infléchissant, ô! à peine, et l’immortel Dante m’en veuille absoudre, tant elles résonnent en tempête sous mon crâne comme un écho à son tourment :
Au milieu du chemin de ma vie
je me retrouvai dans une forêt stridulante
car la voie du Silence était perdue.
Ah dire ce qu’elle était est chose dure
cette forêt féroce et âpre et forte
qui ranime la Peur dans la Pensée !
Elle est si amère que la Mort ne l’est guère plus
On le sait,
al Infierno de Dante a la forme d’un cône renversé composé de Cercles. Chacun des Cercles a pour Gardien un Daemon qui fut jadis un Fameux de notre mythologie Grecque.
Minos, devenu démon ailé, est à l’accueil. Les Cerbères sont dévolus à la garde des gourmands, Pluton, tel qu’en lui-même, tourmente les avares et les prodigues, le Minotaure s’occupe des violents, etc., et Lucifer, règne dans le lieu le plus éloigné de Dieu, le Centre de la terre.
En cette lecture initiatique et descendante, je ne trouvais nulle Bolge qui offrit un tant soit peu un pendant à ma Peine : peut être parce que cette chose intolérable ne devrait pas exister, ni dans le Ciel, ni sur la terre et ni même sous la terre "
d’où l’on ne peut fuir."
Las, j’arrivais enfin dans le 9ème cercle, ou le
Cocyte glacé, dans lequel les damnés grelottent la tête plongée dans la glace éternelle.
Ce cercle est le plus profond du "royaume des douleurs". Celui là est réservé aux Traîtres.
D’abord, La Caina réservée aux traîtres envers leurs parents.
Puis l’Antenora en laquelle grelottent les traîtres envers leur patrie, tête baissée dans la glace éternelle comme dans la Caina.
(L’archevêque Ruggieri qui s’y trouve, a un sort particulier. Il se fait en plus dévorer le cerveau par Ugolin, qui se venge ainsi parce qu’il a peut être dû manger les cadavres de ses enfants dans la vie réelle à cause de l’archevêque. Sans doute moi aussi je me fais bouffer la cervelle, tout vif, mais enfin je n’ai jamais fait profession dans l’art d’accommoder les bébés comme le philanthrope Jonathan Swift, qui fit cette «
Modeste Proposition pour empêcher les enfants des pauvres d'être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public. »
«
Quant à notre ville de Dublin, on pourrait y aménager des abattoirs, dans les quartiers les plus appropriés, et qu'on en soit assuré, les bouchers ne manqueront pas, bien que je recommande d'acheter plutôt les nourrissons vivants et de les préparer « au sang» comme les cochons à rôtir. »)
Or donc, après l’affreuse Antenora, on tombe plus bas encore dans la Tolomea.
Là sont les traîtres envers leurs hôtes ou leur parti . Ceux-là grelottent la tête renversée en arrière, et le gel les empêche de pleurer, ce dont ils doivent avoir grande envie, en outre leurs pieds gèlent aussi.
Soudain, je lis ceci : eux seuls parmi les heureux hôtes de ces lieux, ont le "privilège" de descendre en Enfer
avant leur mort, cependant que leur corps reste sur terre habité par un démon qui les torture.
Aussitôt, saisi, j’aperçu ici une similitude frappante, deux points communs avec mon propre cas :
1- Une descente aux Enfers anthume.
Moi-même, si je puis dire, n’étant plus qu’un spectre sifflant condamné à hanter son ancienne vie, comme on hante un château en ruine, faire tout vif le deuil de tout ce que j‘aimais dans l‘existence, comme un mort, mais qui aurait la disgrâce de se savoir mort.
Un revenant rivé à lui-même, comme Prométhée à son rocher, et comme lui, dévoré, sempiternellement, mais dans la tête, et par un maudit Moustique strident au lieu du vautour.
(Étais je donc bien « heureux », avant ? Je suis bien obligé de répondre, oui, sinon « heureux », du moins joyeux, plein d’une féroce alacrité, seuls les imbéciles parmi ceux qui me lisent, principalement les dindes, parce que je méprisais avec la violence d’une passion, tout ce qu'eux-mêmes révèrent, pensaient stupidement que j’étais un esprit chagrin.)
2- Mon apparence terrestre est bien devenue celle d'un démon.
Possédé par les daemons de Théralène, de Rivotril, et d'autres produits chargés de la démonopharmafœtuspétrocologie industrielle, déjà mon regard vitreux, d’outre-tombe, la petite flamme d’ironie depuis longtemps éteinte, se rapproche du magnifique regard, tant prisé des dames, de Monsieur Rambo, qui fut nommé, par antiphrase, œil du Tigre.
Que n’ai-je, avec son regard lumineux de ruminant en train de mâcher du chiendant tout en laissant tomber une lourde bouse, ses capacités musculo-respiratoires? On pourrait dès lors me suivre à la trace, à Villejuif, comme le Petit Poucet, par le nombre de Têtes de Nœud étendues sur le trottoir copieusement rossées.
Hélas on ne peut pas tout avoir.
Si je suis précipité tout vif en cette variété d’Enfer Toloméaque, en attendant les futures glaciations éternelles, serait ce parce que je fus un Traître envers mes hôtes ou mon parti ?
Envers mes zotes ? Que nenni! Je n’en ai guère, je n'ai qu'une hôtesse, alliciante et sporadique, et je l’ai toujours bien honorée, comme Balzac Olympe Pélissier ou la Comtesse Guidoboni-Visconti.
(Sait on assez que le Titan de la littérature choisit d’intituler son œuvre la Comédie humaine en référence à la Divine Comédie de Dante.)
Aurais-je été traître à un parti ?
Mais quel parti ? L’ultragauche de ma prime jeunesse ? Mais je l’ai quittée en claquant la porte, peu avare de mon mépris pour certaines idées (féminisme, antifâchisme) devenues homogènes au Grand Capital cosmopolite et pourrisseur.
Je n'ai même pas trahi Alain Soral, récemment, lors de
la nuit des petits canifs, d’E&R, alors que j'étais plutôt "du parti" de ceux qui militaient vers une "forme-parti" de notre association, avec Sébastien DR ou M.G-France
Aurais je alors trahi leur parti à eux ? Mais leur parti non plus ne me disait pas grand-chose, d’ailleurs à l'époque je l’ignorais, eux aussi taisaient leur vrai nom : qu'ils militaient pour Monsieur Gaullistch.
Ce qui est tout à fait honorable, voire louable, mais si je n’ai rien contre la victoire de Monsieur Gollnish, tout cela m'emmerde à une profondeur insoupçonnée, les Gallicans autant que les Marianistes.
Mon seul parti c'était le Noir et Rouge, Noir du parti très regrettable et très antique, de feu l'abbé Tymon de Quimonte, et Rouge du sang des prolétaires européens.
(Européens, car comme le disait l'ami Dieudonné à une gentille Speakerine outrageusement fardée, de la télévision d'outremer, pâmée, toute frétillante sur son siège design ergonomique : "
j'ai 2 pygmées qui crèvent la dalle dans mon jardin, l'Histoire européenne j'en ai rien à foutre," ou à peu près. Pareil pour moi, en dehors de celle, tragique, de l'Europe, les histoires de Pygmées, plutôt la pré-histoire proliférencieuse du "populaciage sacralisé" comme dit Albert-Weil , je n'en ai cure. Que tout crève ! Que les quilles éclatent, entre les deux mâchoires de la Tenaille mortelle : le Parasitisme Capitaliste d'un côté et le Pullululement d'un autre, le premier livrant des armes à jet continu au second : massacres, boucheries ethniques, misère crasse, épidémies etc., etc. Et la masse de perdition des malheureux croyancieux-populacieux n'apercevant autres issues pour échapper à leur sort, que de venir par ici pour pouvoir bouffer, du transgénique d'abord, puis de la cramouille rase, ensuite.)
Parti dont, est-il bien utile de le préciser, j’étais le seul adhérent.
Me serais je, dès lors, trahi moi-même ?
Qui sait ? Mais alors je dois prendre garde à ne point mettre un terme à mon supplice actuel.
Car dans l’Inferno de Dante,
les violents contre eux-mêmes, les Suicidés, seront transformés en buissons dans la forêt des Harpies, monstres aux corps d’oiseaux et têtes de femmes, perchés sur les arbres.
Puis les Harpies prennent leur essor et descendent détacher une à une, les feuilles des suicidés-buissons, ce qui en fait un supplice atroce.
Comme, une à une, me sont arrachées les pages noircies de Solitude et de Silence du Livre de mon ancienne vie, par les bavardages charanbiancocouineurs des Harpies à cervelle d’oiseaux et plumage de sous-putes sous-suceuses du Poste, qu’il me faut sempiternellement laisser en marche ou crève.
Harpies de la Gynécocratie de notre enfer sublunaire, imbues de leur fausse gloire de diseuses de pacotilles et de suceuses du Néant.
Félix Niesche