mardi 9 janvier 2018

Stèle canine et dent dure

Dépourvu d'inspiration, las de tous, de moi-même et du monde, l'autre jour je suis allé chez Le Gallinacé voir s'il n'y avait pas matière à prendre un peu de distraction pour la nouvelle année, au contact de ses  enragements  Gaéliques.
Dans son cénacle étroit d'idées mais où se bouscule la Foule, la sociabilité de ce misanthrope est extraordinaire, tout le monde, absolument tout le monde s'y bouscule en liens amicaux, excepté moi-même, c'est trop d'honneur qu'il m'a fait, par cette distinction à rebours, orgueil de ma solitude.

Dans tout ce milieu superbement petit-bourgeois, peuplé de dindes mystiques et d'autoproclamés "magnifiques", dépourvus de vision et de poésie, le Gall est le seul artiste, n'ayant d'autre outil que son vif talent jaculatoire, d’autre énergie que sa mâle horreur esthétique du monde qui l’exaspère avec une réceptivité toute féminine.

Je l'ai trouvé dans un inquiétant état de désespoir, car il venait de perdre son joli chien de traîneau, crevé prématurément, comme toutes ces malheureuses bêtes faites pour les grands froids et qui vivent ahanant sous nos latitudes réchauffées.
Son chagrin fait peine à voir, nous lui offrons nos condoléances attristées.
"Marginal ayant perdu toute magnificence, et sa dignité, espèce de loque humaine, coincé entre deux verres de gnôle, car le vin ne fait plus d'effet, et entre deux cachetons, mangeant à peine, me voici perché au pinacle du promontoire de ce piton rocheux qu'est la solitude." 
Allons du cran mon vieux ! 
Une chienne de perdue dix de retrouvées !

Ces paroles de consolation ne lui seront d'aucun secours, je crains, chez lui rien ne peut être modéré.
Il présente un cas bien intéressant de zoophilie canine, sous forme désormais platonique, disparition oblige, et même à un stade très avancé de mysticisme animalier.
Il croit dans la résurrection des bêtes, ou en tout cas à leur survie post-mortem.
Et cette curiosité psychiatrique qui laisse beaucoup à désirer, laisse aussi beaucoup à penser.

" Seul l'homme meurt, l'animal périt " dit Heidegger.   Mais le croyant non plus ne meurt pas. Il passe de vie à autre vie sub specie æternitatis.  La bête ne sait pas la mort, le croyancieux l'ignore : elle n'est qu'un ''passage''.  Le croyant est donc une bête plus intelligente, qui sait ouvrir la porte.

L'athée est souvent aussi un croyant car il ne meurt pas non plus, il dort. « La mort est un sommeil éternel » écrivaient les ''déchristianisateurs'' de 1793 à l'entrée des cimetières. Et la tourbe rotait dans les églises saccagées. Plus de Ciel ennuyeux ni d'Enfer tortionnaire ! Seulement le bon sommeil réparateur !
 Vaine tentative de Robespierre avec son être suprême, il s'est mis les enrichis, futurs thermidoriens, et la canaille à dos.
Ainsi il est mort seul, sans soulèvement, hormis celui des robes des catins qui exposaient leurs culs dans les fenêtres au passage de sa charrette en lui criant "vois ce que tu ne verra plus"! afin de rendre son agonie plus cruelle.

L' héroïsme terroriste du Salut Public est incompatible avec la durée.
La seule politique qui réussit est celle du chien crevé au fil de l'eau.

Voila qui devrait consoler Le Gall ici bas en attendant l’Éternité, où il rejoindra sa chienne qui joue de la Harpe avec les toutes les autres bestioles immortelles.
(Idée particulièrement pénible : le moustique immortel !)

La méditation de la finitude étant seule authentique. Saisir soudain son absoluité dans un foudroiement. On ne devient pas Heideggerien on l'est, ou on ne l'est pas, ontologiquement. C'est la philosophie pour un certain type.
 (Sartre c'est l'avilissement de cette philosophie, volonté de démocratiser le type. Le zazou. Juliette Gréco. L'étudiante existentialiste)

 Après nous avoir pourri l'existence, il restait à nous pourrir la mort. Le conservateur des cimetières de Niort dans les Deux-Sèvres nous apprend que :
"l'utilisation déraisonnée d'herbicides dans les cimetières traditionnels, a rendu le sol tellement stérile qu'il ne peut plus absorber la matière organique des corps." 
L'idée du Repos éternel en prend pour son grade. Se dissoudre dans le grand Tout va devenir problématique. Le non-être non applicable, le néant lui même se décompose dans l'holocauste chimique des mauvaises herbes.
Qui sait il y a peut être aussi un paradis pour le chiendent ou les anthémis fétides !

Voici le daguerréotype d'un chat, (ce qui ne nous rajeunit pas), parti lui aussi, hélas, trop tôt au royaume des ombres, que j'offre à Le Gall, pour le consoler un petit peu...





8 commentaires:

Le Gallinacé a dit…

C'est proprement incroyable !!! j'ai pensé à vous toute la matinée et après des mois sans vous avoir visité : hop, j' vais, je suis stupéfait ! Je n'en reviens pas. Merci infiniment, je suis très touché.

L'abbé Tymon de Quimonte a dit…

Hé, c'est la synchronicité de nos esprits à l'unisson des contraires !

Le Gallinacé a dit…

Je viens de relire, car du bon Abbé se lit, puis se relit...
Oui, c'est un paradoxe, et cela n'en est pas un : un misanthrope a toujours quelques amitiés, et l'humour étant la politesse du désespoir, je tâche dans les commentaires, d'être poli, et sur la Toile, nous recueillons si l'on sait y faire, le meilleur : l'on s'effleure,l'on se caresse, l'on s'embrasse...
Nulle histoire de fric, de cul, de jalousie. Et puis, j'ai intérêt, car dans la vraie vie, je n'ai plus personne : idées et sale caractère obligent. Tous de gauche, ces faux amis ont fui la bête immonde et la peste.
De Laïka, il n'y en a qu'une, il n'y en aura pas deux. Elle mon enfant, mon guide, elle est l'unique, l'élue de mon cœur, et en effet, tous mes animaux, chattes (!) comprises, sont de nature femelle. C'est un amour qui, bien sûr sans sexualité, a néanmoins besoin de polarité complémentaire.
Laïka n'est pas partie prématurément, elle avait 15 et demi, et elle est partie alors que j'ai prié la vierge marie, (eh oui !) pour qu'elle s'en aille, et soit délivrée.
Bien sûr que l'âme des animaux existe. Animal, anima, âme...
Je suis d'ordinaire très privilégié en matière paranormale. Une de mes meilleures amies, Orla, m'est apparue 3 mois après son décès, et je ne suis du genre à faire tourner les tables. Laïka s'est manifestée à ma mère et à ma sœur. Et de mon côté, rien...j'ai vécu plusieurs mois de désespoir et de malheur, mois avant son départ, et 1 mois après. Puis, enfin, vinrent les signes ! Voilà...
Accepteriez-vous, cher Abbé, pour ce très long texte que j'achève enfin, que je prenne quelques unes de vos lignes, en citant, bien sûr la source, en italique et entre guillemets ?

Anonyme a dit…

Qui "sait" la mort ? L' animal humain comme les autres savent qu'Elle approche .Le reste n'est que philosophie ou journalisme .

L'abbé Tymon de Quimonte a dit…

animalis "être animé", vivant donc. L"anima", l'âme, c'est une autre histoire.
Prenez et usez en bien, car ceci est mon sang, mon cher Le Gall.
Nous nous tutoyions naguère : navré pour ta lourde peine...

orfeenix a dit…

Cher abbé quand mon petit chat sera mort je vous confierai son épitaphe,j'aurais dû vous confier déjà son éducation car il me semble peu apte au dialogue éternel avec le Verbe.Je vais grâce à vous oublier mes rancoeurs et aller visiter notre poule à l'ouest, ce n'est pas cette chienne là qui me dérangeait le plus.

Anonyme a dit…

SOCRATE: Je t'aporise, je te narcotise. Mon but, c'est pas du tout d'atteindre la vérité. Les philosophes nous font croire ça mais c'est d'la blague. Mon but c'est de t'administrer une dose de "drogue" pour que tu n'saches plus c'que tu fais.

MENON: Mais enfin, je faisais des conférences sur la vertu, Je savais tout...j'ai pris contact avec toi, et maintenant, j' sais plus rien.

SOCRATE: Mais pour moi aussi c'est la même chose. Moi aussi j'me narcotise.
Si tu crois que pour te mettre dans le doute, je ne suis pas bien plus dans le doute et endormi que toi !

Socrate raconté par Roustang.

a.c

Le Gallinacé a dit…

@Je tutoyais l'Abbé...Ah bon ???... Merci en tous les cas, car je débloque pas mal...Merci pour ce petit mot. Sans ça, et un peu de Tramadol, je serais en Enfer...Ma petite chatte Charbonnette a veillé Laïka jusqu'au bout qui a assisté à son départ avant que je dormais juste avant d'aller à l’hôpital pour une opération et qui n'est pas du Saint-Esprit, mais des reins. La Charbonnette donc est couverte de pelades affreuses. je crois qu'aussi pour elle, c'est le contre coup. Donc, Véto + Corticoïde + antibiotique + crème tous les jours. J'attends des signes de mon aimée, et je l'ai entendue gémir... (entendu/e prend un e ou pas ?). C'est ça de ne pas avoir d'enfants humains.
Prenez soin de vous...
Je regrette le départ d'Ibara, oh le quatuor !

@Orfeenix...ah, ah, ah... je vois très bien de quoi O parle...mais Orphée, moi, j'ai perdu mon Eurydice.

Aux deux poètes les plus doués de la Toile...