dimanche 22 août 2010

ἀκούω φαίνω. akouein' phainein -2-

...suite
Or donc, narrais-je, ce dimanche 25 juillet, retour des urgences Lariboisière, je me mis convulsivement en quête de l' adresse d'un ORL.


Je laissais frénétiquement des messages sur des répondeurs.
Et Ô surprise, l'un d'eux me rappela, fort courtoisement, ce dimanche même et nous prîmes RDV pour le lendemain.
J'arrive tout frémissant, sonnant et trébuchant dans la salle d'attente, à l'heure précise dont nous étions convenus. Ce qu'il ne faut jamais faire ! Une chose à éradiquer d'urgence, de nos moeurs, c'est précisément la ponctualité. La Gynécocratie et un des ses avatars, le portable insupportable, ont relégué au musée des antiquités patriarcales cette politesse soi disant royale. (En réalité, c'était l'exactitude qui était dite la politesse des rois.) Passons.
Attente d'autant plus anxieuse que ça siffle continûment dans mon oreille droite, et je flippe dur car les résultats de mes investigations internet la veille, ne sont rien moins que rassurants, pour ce qui concerne les suites sifflantes possibles d'un TSA.
Donc consultation et, enfin, l'examen audiométrique tant attendu, et qui, j'espère, dira tout.
Résultat ? Classsique.
Altération auditive mesurable. Le réflexe stapédien, qui est le réflexe de défense du muscle de l'étrier qui va se contracter pour atténuer le niveau d'intensité du son transmis à l'oreille interne, ce réflexe spontané, pris en défaut, n'a pas fonctionné.
D'où atteinte de l'oreille interne, c'est à dire perte auditive significative sur les fréquences aiguës, à partir des 3000 Hz, et au delà, mais ce qui m'emmerde le plus, c'est installation à la place de cette surdité d'un ACOUPHÈNE dans l'oreille droite.
- Mais qu'est ce qu' un "acouphène" docteur ? Et surtout partira-t-il un jour ce sifflement strident ?
- Oui l'audition peut s'améliorer avec le traitement et donc le Tinnitus, ( l'acouphène, mais je hais ce mot), par le fait, peut s'atténuer voire, pourquoi pas, disparaître. Tout dépendra du succès de ce traitement, et notamment du corticoïde.

Je sais parfaitement qu'après 10 à 15 jours les lésions seront définitives et les traitements désormais inopérants.
Le Doc aussi visiblement, car il décide que nous verrons à ce moment. Nous convenons d'un RDV le 5 août pour un second audiogramme. " Je serai en vacances mais vous verrez mon remplaçant, il est très compétent. " (J'en suis fort aise.)
Continuez votre traitement prescrit par l'urgentiste, à base de corticoïdes et stimulant dopaminergique, qui est le seul valable, en l'état.  Il faut donc attendre. Mais vu que vous supportez très mal votre acouphène, pour le moment, je vous prescrit du RIVOTRIL .
En réalité c'est un médicamant contre l'épilepsie, mais dans certains cas d'acouphènes rebelles, il donne parfois de bons résultats.. 

Donc, en sus des artificiels enfants de Morphée, Théralène et Immovane, prescrits par le généraliste, me voici donc contraint de me bourrer d'un anti-épileptique dont la liste des effets secondaires donnerait le vertige à un Iroquois "charpentier du ciel" à Chicago.
Je vais donc être réduit, provisoirement, à l'état de loque humaine.
Un anti épileptique est d'ailleurs cohérent. Je l'ai déjà dit, ce sont ces cellules ciliées qui ont été, soit lésées soit détruites, par l’exposition de mon oreille à un bruit violent et impulsionnel, même si cette explosion fut unique et très brève, et pour le moins inhabituelle.
Atteintes, prises d'une hystérie d'angoisse devant leur Mort, les cellules vibratiles de notre ouïe, déclenchent des impulsions électriques vers le cortex auditif du cerveau, et c'est lui, et lui seul, qui entend cette sonnerie d'alarme, lancinante et suraiguë des petites cellules ciliées mourantes.
Mais c'est un signal nerveux anormal, un signal aberrant. Parce qu'une fois les cellules ciliées décédées, elles n'envoient plus le moindre signal "réel" mais le cortex, pris d'une épilepsie d'alarme, continue de l'entendre.
Pour l'exprimer autement, un acouphène est équivalent à la perception du membre "fantôme" que l'on observe chez certains amputés qui ressentent encore des douleurs dans leur membre défunt. Et la preuve : les fréquences entendues par le nerf auditif en proie au délire correspondent exactement à celles sur lesquelles les cellules ciliées sont décimées.
Sauf qu'il existe toute une panoplie de drogues analgésiques, de l'aspirine à sister Morphine, pour aider l'amputé à endurer son mal,  mais pas le moindre antidode à la douleur morale pour celui condamné à entendre une stridence constante par une aire de son cerveau pris subitement d'une sorte de Haut-Mal auditif qu'est l'akouein'phainein.
Misère.
Je ne puis plus dormir, ni lire, ni écrire, atteint dans le fil de ma pensée, ni rester dans le silence et la solitude que j'aimais au delà de tout.
Je suis désemparé, perdu.
Quel sens donner à cette privation du Silence pour celui qui hait tant le vacarme moderne? Si ce n'est l'écrasement par la pesanteur de la grâce.

Néanmoins messsieurs l'ORL et mon Référent généraliste, m'affirment de conserve que je dois espèrer, dans le mois à venir, dans une amélioration.
Pourtant, sur un site de médecine militaire je lis mon arrêt de mort : "d’autant que les lésions occasionnées à l’oreille interne par des bruits violents sont la plupart du temps irréversibles "
Terreur de ne plus jamais être en repos, je me sens fait comme un rat affolé. Ausssitôt, je cours au dehors, le vacarme de la ville + supportable que le silence de mon appartement.

Courage, Attendre ! Avec le 2° test audio, je serai fixé. On verra à ce moment? Tenir.
Mais cette fin, si c'est la fin, est en même temps si stupide! J'en crève de rage !
Mais j'espère encore, j'espère comme un fou, comme le malheureux "Rabbi Aser Abarbanel, la bouche sèche, le visage hébété de souffrance", entre les mains décharnées du vénérable Pedro Arbuez d’Espila, sixième prieur des dominicains de Ségovie, troisième Grand-Inquisiteur d’Espagne. Comme lui, moi aussi une "morbide idée d’espoir, due à l’affaissement de mon cerveau, émut mon être", mon être qui veut stupidement persévérer dans l'être.
Je pressens que le plus cruel reste cette fausse espérance, destinée à  prolonger mon supplice, la Torture par l'Espérance.
Espérence fille de la "Volonté universelle", selon Arthur Schopenhauer.
N'ai je donc rien appris de ce philosophe pour qui vivre est une souffrance. L'existence étant décrite par lui comme une suite de peines et de tourments. L'être se nourrit du vain désir de bonheur, bonheur inatteignable qui engendre souffrance et douleur, l'état naturel de l'homme selon ce bon Arthur.
Seul échappatoire : «détruire en nous, par tous les moyens, la Volonté de vivre» et s'évader du désir inassouvissable par l'anéantissement dans je ne sais quel nirvânâ d'inspiration bouddhique.
Au moins cette épreuve me fait reconnaître mon antipathie fondamentale, pour une pensée que je croyais, frivolement, goûter.

Comme un Spectre empoisonné
Par le creux de l’oreille
Le Diable m’a condamné
À subir sa scie nonpareille

Sans fin. Sans répit. Jour et nuit
Nuit et jour, siffle cette stridence
Aussi je cours aussi je danse
Comme un pantin ivre de bruit.


 À suivre...

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Le réflexe stapidien "a fonctionné" , mais il a forcément toujours un retard (de trois centième de seconde pense-je?)...

Nocif

Anonyme a dit…

Mettez-vous en permanence un bouchon auditif dans l'oreille, cela atténuera les bruits devenus insupportables (vous savez, les petites choses en mousse qu'on trouve dans n'importe quel magasin de bricolage).

Un ami d'enfance a eu le même problème. Je lui re-demanderai ce qu'il prenait. Il va bien aujourd'hui, mais il doit rester à distance des sons trop puissants, ce qui ne devrait pas vous poser de problème, si ça peut vous rassurer.

Sébastien

L'abbé Tymon de Quimonte a dit…

Sébastien ce dont vous parlez est
l'hyperacousie. Ce n'est pas mon cas. Je souffre d'un "acouphène"
sifflement constant, irrémédiable,
entendu tantôt dans l'oreille, le jour, tantôt dans la tête, la nuit.
Félix

Anonyme a dit…

Il m'attriste de vous savoir éprouvé... mais cette épreuve vous permet de mesurer d'autant mieux le fond votre sensationnelle conscience.
prenez cela comme une gratitude provisoire.


Nocif