jeudi 18 juillet 2019

Entretien avec RIVAROL

Rivarol : Voltaire antisémite est un curieux pamphlet envoyé à la face des biens-pensants qui firent de Francois-Marie Arouet (le vrai nom de l’auteur de Candide) une des références de leur “République”. Disons- le clairement, Félix Niesche va faire grincer bien des dents avec ses charges qui n’épargnent personne (pas même dans notre camp). Mais l’auteur est intéressant, plein d’humour et vivifiant, et il n’est peut-être pas inutile de lire des propos différents pour ouvrir de stimulantes réflexions ou de salutaires disputes, même si on ne partage pas nécessairement tous ses points de vue. 

RIVAROL : Votre découverte de la « face sombre » de Voltaire date bien de l’écoute d’une émission de Radio Courtoisie que vous décrivez dans votre livre ? 

Félix NIESCHE :  J’en avais déjà ouï-dire auparavant, mais jamais avec cette puissance, cette homérique fureur. Il y eut d’ailleurs un attroupement au pied de l’immeuble de la radio, les gens se demandant ce qui se passait ! On aurait cru Valls à l’université d’été du PS quand il évoqua le même sujet, si ce dernier avait possédé un timbre moins aigu, ce fausset qui trahit l’homme éternellement garrotté dans les chaînes matrimoniales.
Plus tard, si je fis l’acquisition, exorbitante, d’un livre moisi dans une librairie poussiéreuse, le Voltaire antijuif de Henri Labroue, c’est à cause du retentissement de l’émission, sinon je l’aurais laissé à « la critique rongeuse des souris » comme dit Marx. (Encore un fichu antisémite, celui-là !) Cet ouvrage ouvre les vannes à l’énorme débordement d’antijudaïsme de Voltaire ! Les hauts cris de stentor poussés à la radio n’étaient donc pas exagérés.

R. : A lire les textes que vous avez récoltés, il semble que l’antisémitisme de Voltaire est d’abord l’expression d’une haine de la religion ? 

F. N. : Voltaire ne hait pas la religion en soi. Au contraire il pense qu’elle est très nécessaire pour l’harmonie sociale. Sa critique du christianisme reste cantonnée dans la philosophie, dans la polémique contre Leibnitz sur le « meilleur des mondes possible » qui donnera ce chef-d’œuvre qu’est Candide ! Lui même s’affirmait chrétien : « Je suis métaphysicien avec Locke, mais chrétien avec saint Paul ».
En revanche, il exècre le judaïsme, viscéralement, intégralement. Son antijudaïsme n’est pas secondaire à une œuvre qui conserverait sa valeur indépendamment de ce trait ; ce n’est pas une opinion mais un système, consubstantiel à sa philosophie. En outre, pour Voltaire ce n’est pas sa religion qui fait le Juif, mais le Juif qui fait sa religion. Malgré leurs grossiers plagiats des autres, car il soutient que les Juifs, dépourvus d’art et de génie, ont tout piqué aux autres, leur croyance reste répugnante et cruelle. « Dès que vous eûtes une loi, elle vous ordonna d’exterminer toutes les nations… Voilà comme vous aimez votre prochain ! Ce n’était pas ainsi que Jésus recommandait cet amour : Voyez la belle parabole du Samaritain ».

R. : Il insiste particulièrement sur les origines troubles du judaïsme. Pour lui, les juifs sont maudits par leur histoire ?

F. N. : C’est eux qui sont maudits, selon Voltaire, par nature, donc leur histoire le sera tout autant. Il les définit comme « une horde d’Arabes vagabonds » « déprépucés et gueux », “lépreux”, “pouilleux”, donc leur histoire atroce sera l’émanation de leur être, le fruit de leurs qualités intrinsèques.

R. : « Un juif n’étant d’aucun pays que celui où il gagne de l’argent » pour Voltaire, il est éternellement lié à l’usure ? 

F. N. : Il semblerait, oui.
 « Messieurs, lorsque M. Médina, votre compatriote, me fit à Londres une banqueroute de 20 000 francs, il me dit que ce n’était pas de sa faute, qu’il avait toujours tâché de vivre en fils de Dieu, c’est-à-dire en honnête homme, en bon Israélite. Il m’attendrit, je l’embrassai, nous louâmes Dieu ensemble et je perdis 80 %. »
Voltaire préfigure Marx : « Le dieu du Juif n’est qu’une traite illusoire. » Marx définit la monarchie de Juillet comme un pouvoir des « Juifs de la Bourse » où « l’État se laisse exploiter par les Juifs de la Finance ».

R. : Voltaire voulait-il une punition pour ce peuple ?

F. N. : Ben oui : l’extermination ! Rien moins. C’est épouvantable à dire, mais c’est ainsi. Pour Voltaire, le Juif est le Nuisible par excellence. « Je ne serais point étonné que cette nation ne fût un jour funeste au genre humain ». Il applaudit aux massacres de Juifs à l’occasion des croisades. Dans l’Essai sur les mœurs, il déplore même que les Juifs « fussent punis, mais moins qu’ils ne le méritaient, puisqu’ils subsistent encore ». Faut il commenter ?

R. : Voltaire, en plus d’être antisémite, semble avoir été très misogyne et raciste. Cela n’arrange pas son cas pour vous ? 

F. N. : Cela n’arrangerait pas son cas, comme vous dites, si je ratifiais ces appellations homologuées par une époque que je récuse entièrement.
Si on valide le féminisme, qui est un irrationalisme, un subjectivisme métapsychologique absolu, stipulant que la détermination sexuelle n’est qu’une représentation mentale, on peut qualifier Voltaire de misogyne, ainsi que tous les penseurs et philosophes qui se sont penchés sur cette dangereuse question, jusqu’à notre époque impuissante qui ne produit ni penseur ni philosophe. Il s’inscrit donc dans le tas de ceux que les féministes originelles ont nommé les OLD DEAD WHITE MALES, les vieux mâles blancs morts, qui auraient, selon elles, fondé philosophiquement l’infériorité des femmes.

Pour ce qui est du racisme, au sens contemporain, c’est une invention encore plus minable. En France par exemple, on la doit aux magouilles conjuguées de Pierre Bergé et de l’Élysée, lors du tournant de la rigueur, pour discréditer ceux qui trouveraient à redire à l’appel au secours, au SOS lancé au vrai Racisme pour infliger une défaite historique à la classe ouvrière, en remplaçant sa conscience de classe par l’arriération religieuse, et le prolétariat par les prolifiques. Ainsi avec cette nouvelle acception on pourrait même faire d’Emmanuel Kant un raciste : « Nous pouvons avec une grande probabilité être sûr que le mélange des ethnies, qui mène tout doucement au nivellement des caractères, sans qu’il soit question de considération philanthropique, sera vraiment nuisible pour l’humanité. »

R. : Vous n’épargnez pas l’Église catholique, en réalité la secte conciliaire qui éclipse et pousse au tombeau le vrai catholicisme, dans vos écrits. Seriez-vous en rupture avec le christianisme et plus largement avec la dimension spirituelle ?

F. N. : A mon avis c’est plutôt Rome qui est en rupture avec le christianisme. Qui a dit qu’« Auschwitz était le Golgotha du monde contemporain » ? Deux, Jean-Paul. Qui vient de dire que l’Enfer n’existait pas ? Bergoglio François.
S’il subsistait encore quelques lambeaux de la vraie Tradition, des restes de métaphysique encore utilisables « dans les lézardes, le foutoir, les interstices de ce monument baroque et poussiéreux », quand Ezra Pound nommait ainsi l’Église catholique, je crains que ce grand monument poussiéreux avec son grand appareil de doctrine, n’ait perdu ses derniers gluons de substance thomiste, et se soit effondré comme Notre-Dame dans les fumées de la reconstruction moderniste, perdant sa flèche vers la spiritualité et la transcendance.

R. : La personne de Jésus-Christ semble positive pour vous. D’ailleurs vous le définissez comme un « goy perdu parmi les juifs » ? 

F. N. : Je rappelais seulement qu’il fut par sa naissance terrestre galiléen. On ne pouvait pas être à la fois Galiléen et Juif il y a deux mille ans, de même qu’on ne peut-être de nos jours palestinien et israélien. C’est par ce berceau natal que se comprend le retentissement spontané de Sa parole dans l’âme des peuples indo-européens, cependant que celle des sémitiques y demeure absolument allergique et rétive.
Jésus est pour moi beaucoup plus que positif ! Il est le Négatif absolu du mondain, du Siècle. La plus pure antithèse du mental, de l’ego. Sa Parole inimitable, invite à une véritable conversion intérieure, pour atteindre le Royaume, c’est-à-dire la vraie vie, dès ici et maintenant.

R. : Vatican II est pour vous un basculement spirituel. Ce conciliabule est-il pour vous le triomphe du “judéo-christianisme” ?

F. N. : Certainement, et je crois que le chapitre “Vatican II” de mon livre en fait la démonstration suffisante. On ne doit pas se laisse bluffer par ce concile de 1965 qui parut, au premier abord, une bouffée d’air pur dans un vieil édifice sentant le renfermé : prêtres ouvriers, bonnes sœurs émancipées, etc. L’Église en fut soi-disant rajeunie, alors qu’au contraire le concile a consisté en un abaissement du Nouveau Testament et un rehaussement du Vieux. On a remplacé jusqu’aux Paroles du Notre Père : « Ne me laissez pas succomber à la tentation » par « Ne nous soumets pas à la tentation ». Quelle espèce de divinité prie-t-on ici ? Un dieu qui pourrait nous tenter afin que la soumission du christianisme au judaïsme soit gravée dans la prière.

R. : « Voltaire, comme tous les paresseux, haïssait le mystère » écrivait Baudelaire. Vous rappelez l’opposition des romantiques et des symbolistes à l’auteur de Candide. Pourquoi ces deux courants sont t-ils autant les ennemis des Lumières pour vous ? 

F. N. : Parce que les romantiques vivaient dans la trivialité du triomphe bourgeois. Qu’à leur époque les bourgeois faisaient encore profession de voltairianisme. Voltaire leur semblait alors l’archétype ricanant de cette engeance.

R. : Vous écrivez que nous sommes passés des Lumières modernes aux Ténèbres postmodernes. Ce glissement vers la barbarie est-il impossible à arrêter ? 

F. N. : Tout ce que je sais c’est qu’on ne rajeunira pas. Car ce glissement progressif du déplaisir correspond au vieillissement, à l’agonie, puis à la putréfaction du système économique et social qui enserre l’humanité entière dans sa camisole de force.  Deuxième loi de la thermodynamique : dans tout système clos, se produit obligatoirement un désordre et une uniformisation croissants.
Il faut être un penseur superficiel pour définir la contre-révolution capitaliste post-moderne des années 1980 comme libérale-libertaire. Elle n’est pas libérale mais monopoliste. Pas libertaire mais ultra-autoritaire.
Le Post-moderne est anti-moderne, férocement anti moderne ! C’est une réaction sur toute la ligne, dans tous les domaines. Une réaction différente de la Vieille Réaction catholique et royale, mais une réaction quand même, et plus profonde, plus en arrière, puisqu’elle revient sur les acquis du néolithique, sur les données civilisationnelles les plus immémoriales.
La Vénérable Réaction devant le triomphe du capitalisme sur le stalinisme va sortir de la poubelle de l’histoire, et après s’être débarrassée des trognons de choux, des arêtes de poisson, des conserves et des casseroles qui la recouvraient, s’est redressée fièrement et a clamé : — Et Nous ! Nous sommes là, nous les anticommunistes de toujours ! Nous avons des solutions pour rétablir l’Ordre !
Sauf que le Maître du jour ne veut pas de leur ordre mais du chaos.

Propos recueillis par Monika BERCHVOK. _____
RIVAROL

Félix Niesche, Voltaire Antisémite, Editions Kontre Kulture, 128 pages, 13,50 euros. Disponible ICI




3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,
Merci pour cette interview très intéressante. Je me permets de vous poser une question au sujet de l'Eglise : si la tradition catholique a été détruite, comment faire pour continuer à suivre la parole du Christ aujourd'hui ?
Vous-mêmes est-ce que vous pratiquez des exercices ? (méditation, lecture... )
Bien cordialement

Anonyme a dit…

Plutôt est-ce que vous auriez des exercices, des lectures à conseiller ?

Anonyme a dit…

J'ai pris le chemin de fer.
C'est la faute à Voltaire!

a.c